Article invité, écrit par Alexandre Santos.
Introduction aux écoles de la cérémonie du thé au Japon
A l’heure où la cérémonie du thé japonaise se démocratise, beaucoup d’entre nous en entendent parler ; de son thé matcha, de ses pratiques codifiées, de son exercice ritualisé. Mais que savons-nous réellement de ses origines ?
A la fois philosophie, art et rituel, la cérémonie du thé ou Chanoyu (茶の湯), littéralement « l’eau chaude du thé », repose sur quatre grands principes fondateurs propulsés au XVIème siècle par Sen No Rikyū :
– Harmonie, wa (和)
– Respect, kei (敬)
– Pureté, sei (清)
– Sérénité, jaku (寂)
———————————————————–Maître du thé————————————————————>
« Né en 1522 dans la province du Kansai, véritable spécialiste du thé, Sen No Rikyū fit son entrée au service de l’Empereur Nobunaga Oda en tant que maître du thé. En véritable virtuose, il accomplira l’émergence de la discipline en édictant notamment les « sept secrets de la voie du thé » :
– Prépare un délicieux bol de thé
– Place le charbon de bois afin qu’il puisse chauffer l’eau
– Arrange les fleurs comme elles sont dans le champ
– Évoque la fraîcheur en été et la chaleur en hiver
– Devance en chaque chose le temps
– Prépare-toi à la pluie même s’il ne pleut pas
– Porte la plus grande attention à chacun de tes invités
Surveillé et jalousé par le successeur de Oda à la tête du royaume, Hideyoshi Toyotomi, Sen No Rikyū fut contraint de se suicider en 1591 sur ordre de l’Empereur. »
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De cette pratique ancestrale exercée uniquement par des hommes jusqu’au déclin de l’ère Meiji en 1912 et de son système féodal, nous en retrouvons encore aujourd’hui les traces. Par la relève assurée des descendants de Sen No Rikyū, trois principales écoles se sont distinguées et continuent de perpétrer la tradition et le rituel de la cérémonie du thé au Japon.
Ces trois écoles se réunissent sous le nom de San-Senke, littéralement « les trois familles ». Elles forment avec l’Omotesenke, l’Urasenke et le Mushakōjisenke un collectif hérité du savoir-faire de Sen No Rikyū. Par la division des générations, de nombreux autres courants verront le jour avec un style et un art proche des « trois familles ». Regroupées sous le terme « ryū » (école – style), elles constituent véritablement un nouveau paysage artistique.
Omotesenke : La cérémonie selon la maison Fushin’an
La maison Omotesenke, davantage connue sous le nom de sa chambre de thé Fushin’an, est le fruit du maître japonais Sen Shōan, fils de Sen No Rikyū. Dirigée depuis 1938 par la 14ème génération et son maître Sōsa, elle fut la seconde plus grande école de son temps (1600). Omotesenke se distinguera rapidement des autres académies par la simplicité de son art.
A ce titre, elle utilisait par exemple du bambou simple et non-traité appelé susudake chasen pour brasser le matcha, au contraire de l’école Urasenke qui utilisait ustensiles et objets de très bonne facture. L’essentiel consistait (consiste) à préserver le rituel en offrant une attention égale aux instruments pour ne pas se perdre dans les méandres de la contemplation.
———————————————————-Chambre de thé———————————————————>
« La cérémonie du thé est pratiquée dans une pièce séparée de l’habitation principale que l’on appelle Chashitsu (chambre de thé ou pavillon du thé). Agencée en toute harmonie, représentant l’abri spirituel du maître, elle est d’apparence sobre et dénuée d’ostentation. Elle abrite l’art cérémoniel du thé et se compose généralement de 2 à 4 tatamis aux fonctions prédéfinies. Les réunions aux chambres peuvent durer de 3 à 5 heures selon ce qui est proposé au menu Kaseki (forme de gastronomie japonaise) pour les invités.
Urasenke : La cérémonie la plus répandue
Certainement l’école la plus grande et la plus répandue des trois familles, Urasenke fut créée par Sen Sōshitsu, fondateur également de la maison Konnichian. Son actuelle maître du thé est Zabōsai Genmoku Sōshitsu. Le nom de la maison Urasenke vient dans sa décomposition de « Ura », littéralement arrière-cour, ce qui fait référence à la localisation initiale de la maison. Le terme « senke » reprend tout simplement le nom du grand promoteur Sen No Rikyū.
Distincte par sa pratique raffinée, elle repose sur un savoir et une formation complète du maître de cérémonie. Son enseignement est réparti sur divers domaines artistiques tels que l’arrangement floral, la calligraphie, la céramique ou encore la connaissance des encens. L’apprentissage des éléments de la cérémonie (maniement des ustensiles, utilisation des accessoires, réalisation du rituel) peut prendre des années, voir même une vie pour le disciple. On parle de la « voie du thé ».
Mushakōjisenke : La cérémonie oubliée
Mushakōjisenke est la dernière des trois grandes écoles descendantes du fondateur Sen No Rikyū. Plus petite que ses consœurs, elle n’a pas de réelle particularité, de distinction. Dirigée par la 14ème génération et son iemoto (enseignant dans le modèle organisationnel des arts traditionnels japonais) Sen Sōshu, la cérémonie est souvent occultée au profit des deux autres.
Higo-koryū : La cérémonie du thé du guerrier
Higo-koryū, à savoir « ancienne école de la préfecture de Kumamoto », est l’une des nombreuses autres écoles traditionnelles de la cérémonie du thé au Japon. Liée par sa pratique au collectif San-Senke dans la qualité de son exercice et la beauté de son exécution, elle se distingue néanmoins par sa particularité nominale de « cérémonie du thé du guerrier ». Son caractère nous vient directement de l’époque féodale où l’on utilisait le Fukusa (pièce de soie) pour servir le thé depuis son attache sur le flan gauche. Toutefois, à Higo (province actuelle de Kumamoto) le port du Katana par les guerriers se faisait sur ce même côté, relayant le Fukusa sur la droite.
——————————————————Ustensile de la cérémonie————————————————>
Le Fukusa est un carré de soie qui sert au rituel de la cérémonie du thé. Objet imaginé par la seconde femme de ce fameux Sen No Rikyû, monochrome de couleur rouge ou orange pour les femmes et violet pour les hommes, le Fukusa sert à tenir de manière sécuritaire et élégante la théière. Il est à noter qu’ils en existent de plusieurs couleurs, de diverses formes, pour tout âge et toutes écoles.
Associée aux membres de l’ancien domaine de Higo, l’école fut cultivée par trois familles, avant d’être divisée en trois écoles par les générations comme bon nombre de ses consœurs :
Furuichi-ryū, 古市流
Kobori-ryū, 小堀流
Kayano-ryū, 萱野流