La culture du café turc possède une place très importante dans l’Histoire du café : il s’agit ni plus ni moins de la toute première méthode de préparation du café connue.
Elle engendrera les tout premiers « baristas » de l’Histoire, une culture forte du café de spécialité (ou plutôt son ancêtre si on se réfère au café de spécialité post-Starbucks) et un point relais de cette boisson la plus consommée au monde depuis l’empire Turc, plus couramment appelé l’empire Ottoman, vers l’Europe.
Zoom sur le café oriental, aussi appelé café arabe, aussi appelé café Turc, aussi appelé… vous m’avez compris. 😊
Les origines du café turc : la première méthode de préparation du café connue de l’Histoire !
Les origines du café et toutes les légendes qui l’entoure se situent en Afrique et c’est aussi ici que commence l’Histoire du café Turc.
Un brin d’Histoire est important à ce stade, beaucoup n’ont peut-être pas ou peu de souvenirs de leurs cours d’Histoire et de l’empire Ottoman…
… c’est pourtant bien tragique après tout le mal qu’ils se sont donné : il s’agit d’un empire colossal (Turque, donc) qui a existé de 1299 à 1923 et qui a joué de nombreux rôles majeurs dans l’Histoire de part sa position très dominante du moyen-orient et du bassin méditerranéen.
A y regarder de plus près, je vous laisse imaginer l’impact stratégique et géopolitique mondial de cet empire… dont l’héritage le plus important de cet empire (bien sûr 😊) : la culture du café Turc.
Plusieurs variantes existent et toutes semblent plausibles, voire même convergent, je vais donc vous partager l’histoire la plus répandue sur l’introduction du café depuis l’Afrique vers l’empire Ottoman.
Le café aurait voyagé vers les années 1540 après qu’un certain Özdemir Paşa, gouverneur au Yémen, ait découvert cette boisson dans sa propre région. Il décida, plein de bon sens, de la présenter à celui qui fut le dixième Sultan de la dynastie Ottoman, Soliman 1er, plus élégamment appelé Soliman le Magnifique.
Le Sultan apprécia vivement cette nouvelle boisson et très rapidement, la cour puis les élites de l’empire s’en emparèrent et se réapproprièrent cet étrange breuvage noir. Mouture beaucoup plus fine à l’aide d’un mortier, café préparé en décoction qui mousse et ustensiles bientôt incontournables tel que l’Ibrik.
Depuis quelques privilégiés, la boisson se répand bientôt comme une traînée de poudre dans la culture Ottomane et dans tout l’empire. Le café devient alors une commodité accessible à tous.
Le café se répand dans la culture Turque
Les premiers coffee houses (et donc, les premiers coffee shops de l’Histoire) ouvrent à partir de l’an 1554, ainsi que l’ancêtre du barista : les « kahveci usta ». Ces spécialistes de la préparation du café étaient d’abord majoritairement employés dans les familles de bonne fortune et Palais avant qu’ils n’ouvrent leurs propres établissements accessibles à tous.
L’empreinte du café dans la culture Ottomane / Turque est tellement forte que de nombreuses anecdotes l’entourent, notamment autour du mariage.
Un café est servi au mari le jour de son mariage avec la particularité d’être salé… plus la femme met de sel dans sa préparation, plus le café sera difficile à boire sans faire de grimace ou autre comportement disgracieux, ce qui témoignage d’un intérêt plutôt « mesuré » à l’égard de son futur époux… En revanche, si celle-ci met peu de sel dans le café, le café sera plus facile à boire et elle se montre de fait beaucoup plus intéressée par ce mariage.
Oui, un mariage pouvait être annulé sur ce seul motif ! Le futur mari doit prouver sa virilité et sa force de caractère en buvant le café salé d’une traite, sans broncher. S’il réussit, cela signifie qu’il est prêt pour ce mariage.
Parmi les autres anecdotes les plus célèbres, les lois qui interdisent la consommation du café en 1656 illustrent un élément important autour de cette culture Turc du café.
En effet, contrairement aux Italiens et à une consommation « éclair » de l’espresso, les Turcs avaient trouvé dans le café un prétexte pour se rassembler, discuter de la pluie et du beau temps, c’était un véritable ciment social. Encore aujourd’hui, le café Turc se boit en prenant son temps, on est ouvert à la discussion et on y retrouve des amis ou de la famille pour passer un moment agréable.
Que s’est-il passé en 1656 ? Le gouvernement a pris peur, il découvre de fil en aiguille que ces réunions fréquentes dans des coffee houses deviennent des lieux où l’on discute de politique, on refait le monde, et pourquoi pas : on fomente des complots…
… le gouvernement décide purement et simplement de rendre le café illégal. Cela ne dure vraiment pas longtemps : le peuple, choqué et pris à la gorge d’un phénomène culturel largement ancré dans les mœurs, se rebelle en masse et l’empire fait machine arrière après quelques violences. Ce qui ne l’empêche pas dans le même temps de lourdement taxer le café.
Le café débarque en Europe !
Dans les années 1600, les marchands turcs commencent à exporter le café en Europe.
Le premier point d’échanges était alors Venise, une place de marché Centrale pour l’Europe à cette époque. Quelques années plus tard vint le tour de l’Angleterre, puis petit à petit, le café se diffuse dans le reste du continent.
En 1657, le sultan Mehmet IV visite le Roi Louis XIV et lui offre des grains de café. C’est le premier contact de la France avec le café Turc et un événement souvent mentionné par les historiens comme un tournant dans l’expansion du café en Europe.
On doit donc nos premiers émois avec le café à l’empire Ottoman et au café Turc !
Café turc ? Café grecque ? Café oriental ? Comment s’y retrouver…
Ce n’est pas toujours bien compris, mais vous avez certainement les idées plus claires désormais : le café Turc ne conserve sa dénomination « Turc » que par le rayonnement culturelle et militaire de l’empire Ottoman sur l’ensemble du Moyen-orient pendant de nombreux siècles (voir la carte précédente).
Pour les Occidents, on réfère généralement au café « arabe » ou « oriental » pour parler de la façon générique de préparer du café dans les pays du moyen-orient. L’empire Ottoman appartenant au passé, chaque nation a reconquis une partie de son identité culturelle et n’a pas hésité à apporter quelques subtilités à leur préparation traditionnelle du café.
Il existe donc aussi bien le café Turc que le café Israélien, le café Syrien et toutes les autres déclinaisons que vous pouvez imaginer. On note de très grandes similarités entre tous ces cafés. Parfois, on ne fera même aucune différence.
La torréfaction, le nom et l’apparence des ustensiles ou encore l’utilisation des épices peuvent varier d’une préparation à une autre. Ce ne sont que des réappropriations du café turc original (ou café oriental/arabe si l’on met tout le monde sur un pied d’égalité).
Il était particulièrement important pour les grecques de renommer le café Turc après des relations houleuses avec Istanbul entre les années 1950 et 1970. Les grecques ont alors appelé leur café de tous les jours un café grecque, avec quelques particularité de vaisselles ou de torréfaction.
Il était impensable de continuer de mentionner un café « Turc »…
Pour finir, sachez que dans la plupart de ces cultures, on parle de café sans systématiquement invoquer une culture / tradition comme nous le faisons ici. On ne prépare pas, par exemple, un café Israélien en Israël. On prépare du café !
Préparation du café turc et les accessoires indispensables
Un peu plus bas, nous allons démystifier certaines idées reçues ou mauvaises informations au sujet de la préparation du café Turc. D’abord, attardons-nous sur les différents accessoires pour préparer le café Turc.
Ibrik (ou cezve)
Le café turc se prépare à l’aide d’un ibrik ou cezve, traditionnellement en cuivre, il en existe aujourd’hui en différents matériaux. La majorité des ibriks ne sont pas compatibles avec une plaque à induction.
Vous souhaitez une cafetière Turque qui s’accorde mieux avec nos cuisines contemporaines ? Nous vous proposons aussi un ibrik en acier inoxydable en différentes tailles… pour différentes occasions !
Moulin à café Turc
Il vous faudra également vous munir d’un moulin à café Turc. Quel que soit le moulin utilisé, il vous faut faire attention à pouvoir obtenir une mouture très fine, sans quoi vous ne pourrez pas faire un café turc. Prêtez-y attention si vous achetez un café déjà moulu !
Tasses à café Turc traditionelles
Pour celles et ceux qui désirent une expérience complète, impossible de ne pas évoquer la vaisselle traditionnelle qui fait tout le charme de la préparation et de la dégustation. Les petites tasses traditionnelles Turc de 60-75ml, richement décorées, font parties de ces petits détails qui comptent.
Je mentionne brièvement l’Hovoli, une sorte de bac à sable qui permet de cuire (dans le sable donc) votre café très doucement, une expérience typique fascinante à rencontrer dans les cafés grecques… voir même dans un coffee shop à Paris !
En vidéo, un Hovoli ressemble à ça…
Le café cuit dans du sable est aussi une expérience que l’on peut retrouver en Turquie.
Préparation du café arabe ou orientale : ce qu’il faut savoir
Voici quelques faits peu connus qui vous permettront de mieux apprécier votre café et de faire vos choix en connaissance de cause. Car au bout du compte, tout n’est qu’une affaire de goût et non de traditions (même si on les apprécient beaucoup) !
- Le café Turc, contrairement aux idées reçus, n’est pas un café « traditionnellement » sucré. Encore aujourd’hui, le café Turc a quelques noms bien sentis : « country style » ou « man’s coffee« , littéralement « à l’ancienne » ou « café pour homme » lorsqu’on le commande noir, c’est-à-dire sans sucre !
Le sucre est arrivé massivement dans la culture Turc en 1776 avec la diffusion des loukoums, ces confiseries reconnues à travers le monde aujourd’hui. Les coffee houses se sont rapidement mis à proposer des loukoums avec leur café pour compenser l’amertume du petit noir. Les deux industries ont depuis évolués proches l’une de l’autre et les loukoums servis avec un café Turc sont devenues une tradition.
Ce n’est que plus tard, lorsque le sucre devint très populaire à ajouter dans toutes les boissons, que le sucre finit dans la tasse ! - Le café Turc n’est pas un café à faire bouillir. Il est très répandu aujourd’hui de lire, par abus de langage notamment, qu’il faut bouillir le café plusieurs fois avant de le servir.
En vérité, il ne faut surtout pas faire bouillir votre café sous peine de le rater et d’en faire une simple décoction de caféine noire, amer et sans âme… il faut bel et bien chauffer votre café, ce à plusieurs reprises, mais sans aller jusqu’au point d’ébullition. ça, c’est un café brûlé !
Préparation du café turc
Quel café acheter pour préparer un café turc ?
Si vous cherchez une marque de café incontournable pour votre café turc, je vous recommande la marque Kurukahveci Mehmet Efendi. L’une des plus anciennes entreprises de Turquie et aujourd’hui l’une des plus célèbres marques de café Turc (peut-être même la plus célèbre) fondé en 1871, à l’origine un torréfacteur.
La mouture sera idéale.
Comme toute marque de grande consommation, elle n’est pas idéale pour les plus grands amateurs et les plus exigeants d’entre nous, mais elle mérite largement votre attention le temps d’une dégustation… si ce n’est plus.
Si vous souhaitez vous rabattre sur une autre marque ou le café d’origine de votre choix, nous vous conseillons une torréfaction moyenne, 100% arabicas pour ce type de préparation et une attention toute particulière sur la mouture qui doit être la plus fine possible.
Ingrédients d’un café turc pour une personne
Utilisez 75 ml d’eau en bouteille. Évitez l’eau du robinet, l’eau a un impact considérable sur le goût de votre café bien que cet aspect soit encore trop souvent délaissé de toutes les préparations de café. Bien connu des amateurs de thé, ça n’est pas moins important pour votre café !
Utilisez la quantité de café selon vos goûts et préférence, ne soyez pas attaché à une quantité de café précise, il vous faut assurément tester à plusieurs reprises pour trouver la quantité qui vous correspond. Une bonne règle de départ serait 7,5grammes de café moulu pour 75ml d’eau.
Il vous faudra également du sucre si vous souhaitez sucrer votre café (point discuté plus haut), et une base de 0,35 grammes (1 pinch) de cardamome pour ceux qui souhaitent faire l’expérience du café turc épicé.
Des épices dans mon café ?
Tout à fait, le café turc se prépare avec quelques épices dans certaines régions mais pas dans tous les cafés. Il convient donc d’essayer au moins une fois pour savoir si ça vous plait, mais sachez que ce n’est pas forcément enfreindre la règle ou la tradition que de ne pas utiliser d’épices pour son café turc.
Si vous souhaitez vous y essayer, la cardamome et le clou de girofle sont de loin les plus utilisés. La cardamome qui, par ailleurs, est très présente dans les gastronomies du moyen-orient.
Il est aussi fréquent de mettre la cardamome directement avec vos grains de café et de les moudre ensemble.
Recette du café turc
- Placez l’eau à température ambiante dans votre ibrik
- Placez dans l’eau votre café, le sucre si vous en mettez (ne jamais placez le sucre après, une fois la préparation terminée, le café turc a de la mousse + le marc de café au fond, vous ne pourrez pas le mélanger !) ainsi que vos épices, si des épices il y a.
Inutile de mélanger les ingrédients, l’eau à température ambiante permet de les dissoudre. - Allumez votre feu, juste ce qu’il faut, et placez l’ibrik dessus. Préférez un vrai feu à des plaques électriques car la chaleur est plus difficile à maîtriser.
Laissez votre préparation chauffer. Le café devrait commencer à tomber vers le fond en l’espace d’environ une minute, vous pourrez alors baisser encore un peu votre feu. Bien maîtriser votre feu est important. - Mélanger à l’aide d’une cuillère, de préférence en bois, pour obtenir une boisson homogène. Après ce premier mélange, laissez votre cuillère tranquille… ne mélangez pas une seconde fois !
Astuce : De l’eau froide et à feu doux, l’extraction sera encore longue et vous pourrez extraire encore plus d’arôme. Le secret du café Turc ? La patience ! - Le café devrait commencer à engendrer de la mousse sur les bords. Baissez alors le feu au minimum, ne laissez pas l’eau bouillir ! Jamais.
Le café va créer davantage de mousse, retirez-le du feu avant ébullition et laissez reposer 15 secondes. - Récupérer une cuillère à café de la mousse pour la placer dans votre tasse (si plusieurs tasses, tous les invités doivent recevoir une quantité équivalente de mousse !) et remettez l’ibrik sur le feu.
- Laissez-le chauffer à nouveau jusqu’à amener une seconde montée de mousse, toujours sans bouillir le café.
Vous trouverez beaucoup de recettes sur internet faisant mention d’un troisième aller-retour sur le feu pour faire mousser le café, je vous le déconseille car la plupart d’entre nous maîtriserons mal cette troisième étape. Mieux vaut la laisser à des baristas d’expérience qui ne raterons pas la mousse lors du troisième passage, vraiment plus délicat. - A ce stade, vous pouvez retirez votre café du feu et le verser dans votre tasse en tentant de conserver un maximum de mousse au-dessus du café. Attendez alors environ 30 secondes afin que le marc de café descende au fond de votre tasse (ne le buvez pas) et dégustez votre café turc !
Saviez-vous que les turcs aimaient lire dans le marc de café pour y voir l’amour, la bonne fortune et autres présages ? Par exemple, en renversant le marc de café restant au fond de la tasse dans votre sous-tasse pour y déceler certaines formes. C’est un fais divers très connu du café turc et une discipline parfois très prise au sérieuse qui possède même un nom : La tasséographie ou Tasséomancie.
Voilà une note légère sur laquelle conclure cet article sur le café Turc !
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